Elisabeth Leenknegt – Designer en chef & souffleur de verre chez Elisa Lee
www.elisa-lee.be

Quand avez-vous eu le déclic de lancer votre activité?

La création de bijoux pour mon label ELISA LEE est arrivée de manière très organique. Je suis archéologue de formation, ce qui a peu à voir avec ce métier créatif. J’ai toujours été fascinée par le processus de production du verre soufflé (je viens d’une famille de souffleurs de verre), surtout dans son contexte historique (cette technique a pris son essor à l’époque romaine). Mon mémoire portait sur les artefacts en verre trouvés sur le site romain de la province. J’ai approfondi cette étude au-delà des recherches théoriques, et j’ai commencé à chercher à en savoir plus sur les techniques des Romains de manière expérimentale. J’ai tout d’abord réalisé des répliques des artefacts en verre trouvés sur les sites belges. Mais je me suis rapidement mise à expérimenter avec les formes et les couleurs modernes. J’ai été tellement inspirée par une excursion à la mer que je me suis enfermée pendant deux semaines dans mon petit atelier improvisé. C’est ainsi qu’est née une mini-collection. Lorsqu’ils ont vu mes réalisations, mes parents (tous deux artistes) m’ont proposé de présenter mon travail sur une petite table lors d’une exposition de mon père. Cette première exposition a été un franc succès : j’ai vendu tous mes bijoux et j’ai été invitée à trois autres expositions dans des galeries d’art. Parallèlement, j’étais également conservatrice à plein temps dans un musée de Gand. Tout mon temps libre et mon argent étaient donc consacrés à la création de bijoux. À un moment, mon temps plein au musée est devenu un mi-temps, car je recevais toujours plus d’invitations pour participer à des expositions et des salons de design et de mode. Plusieurs articles ont été publiés après qu’un agent de presse m’ait élue « Fresh Fish de l’année ». Mes bijoux étaient alors souvent empruntés pour du stylisme et des magazines de mode. J’ai commencé alors à penser à faire le grand saut, mais mes parents m’ont encouragée à ne pas me lancer directement (j’avais un emploi très agréable et sûr dans un musée alors que tous les archéologues que je connaissais étaient au chômage. J’allais devoir abandonner mon emploi pour devenir artiste, et ce plan ne leur plaisait pas trop, évidemment !). Mais la passion a été la plus forte. J’ai trouvé une boutique incroyablement belle à 100 mètres de mon studio à Gand et j’ai décidé de me lancer. Vendre mes bijoux en journée et en créer de nouveaux et faire des commandes le soir. Mon compte en banque était totalement dans le rouge, mais j’avais une motivation inébranlable.

Quelle est la principale leçon que vous avez retenue ?

Qu’il est très important de s’entourer des bonnes personnes qui sont plus intelligentes ou plus douées dans les domaines que vous maîtrisez moins.

Quel était le plus grand défi que vous avez rencontré?

Il y a quelques années, j’ai complètement revu le business plan de mon entreprise. Au début, je créais des bijoux pour ma boutique à Gand et pour une trentaine de magasins belges et étrangers. Le processus est très cadré : les agents vous imposent des échéances endéans desquelles vous devez sortir vos collections. À un moment, je n’en pouvais plus. D’un point de vue financier, de nombreuses boutiques de mode faisaient face à des difficultés à cause de l’arrivée du shopping en ligne, des plans de mobilité mis en place et d’autres facteurs externes. J’ai décidé de changer de cap et de ne plus me concentrer que sur les clients particuliers haut de gamme. J’ai ouvert une deuxième boutique à Renaix où les bijoux étaient créés et ai rejoint un magasin/collectif de robes de mariées à Anvers. Et ça a été la meilleure décision de ma vie ! La charge de travail était moins importante pour mes 10 collaborateurs et moi, et nous avons retrouvé la liberté de sortir les collections lorsque je le jugeais nécessaire.

04 Eli L Sun

Quelle femme admirez-vous et pourquoi ?

Iris Van Herpen, parce que je pense que c’est l’une des créatrices les plus fortes et les plus innovantes de tous les temps. Elle est incroyablement originale et allie sans peine les techniques ancestrales aux procédés innovants. C’est également comme cela que je préfère travailler. Elle n’a pas peur d’expérimenter et le résultat est à la fois joli et intemporel.

Que conseilleriez-vous à la version plus jeune de vous-même et pourquoi?

N’acceptez pas les conseils bienveillants, faites ce que vous voulez ! Si votre plan est original, vous vous foutez de la manière dont les autres ont procédé avant vous. Suivez votre propre chemin, faites toutes les conneries possibles et inimaginables, ne restez pas trop longtemps immobile et continuez !