Mieke De Winter - Entrepreneur durable
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Quand avez-vous eu le déclic de lancer votre activité?

Tout s’est passé de manière très naturelle. Je suivais des cours à Sint Lucas dans la section Peinture. Cela ne s’est pas déroulé comme prévu. De plus, à ce moment-là, j’avais déjà commencé à fabriquer des pièces. C’était la première étape, Mieke 1.0. Une sorte d’Etsy hors ligne. De jolis objets introuvables directement en Belgique. Je confectionnais des vêtements, surtout des tabliers. En plus de sa fonction pratique, un tablier offre une très grande marge d’inventivité quant au style et à la forme. J’ai vraiment créé des trucs dingues. À cette époque, je n’avais pas peur de l’échec non plus. Je pensais « Au pire, cela ne marchera pas. »

Quelle est la principale leçon que vous avez retenue ? Quel était le plus grand défi que vous avez rencontré?

C’est une colle. J’ai tendance à ranger tout à l’arrière-plan dans ma tête, surtout le moins bon. En effet, je ne veux pas ruminer le passé. Je trouve que c’est une perte d’énergie.

J’ai souvent pensé : «Maintenant, le rideau va tomber, c’est fini. » Et puis, quelque chose tombe du ciel ou Thierry et moi parvenons à continuer jusqu’à l’embellie. Mais cela se paie aussi. Je peux déborder d’énergie dans des périodes comme celle-ci (à l’heure du coronavirus), parce que je sens que je ne peux pas arrêter maintenant. Après, il m’arrive pourtant d’être très déçue.

Notre récent déménagement a été un autre défi de taille. Je ne comprends toujours pas comment nous avons tenu le coup. Un procès avec notre ancien propriétaire et le fait de devoir trouver un nouvel espace commercial immédiatement libre, déménager et rénover en quatre mois, tout en gardant le vieux magasin ouvert. Comble de malheur, nous devions aussi chercher un logement pour notre famille. Nous avons dépensé beaucoup d’énergie pour avertir tout le monde de notre déménagement. Malgré cela, nous recevons des clients qui pensaient que nous avions arrêté.

Bref, on a besoin de moments où on a les pieds sur terre afin de prendre son envol plus tard. Si cela ne va vraiment plus, bonjour la tuile, mais vous savez que cela ne dure pas.

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Quelle femme admirez-vous et pourquoi ?

Bien sûr, j’admire ma mère. Forcément. Mais en plus, j’admire surtout des femmes au fonctionnement différent du mien. Comme Marina Abromovic. Elle ne regardait jamais derrière elle pour voir si Ulay pouvait suivre. Elle ne tient compte que d’elle-même. Je me préoccupe plus de savoir comment les gens me voient et si je leur conviens. Des questions que Marina Abromovic ne se posera sans doute jamais. C’était aussi le cas d’Ingrid Bergmann. Cette actrice suédoise est partie jouer sur un autre continent. Malgré les scandales, elle a poursuivi sa voie. Ces femmes ont appris à leurs enfants à rester fidèles à eux-mêmes. Et j’espère que Kat (la fille de Mieke) retiendra aussi ce principe. Qu’elle sache que ses parents exercent un métier qu’ils ont choisi.

Notre compte Instagram sort également de l’ordinaire. Nous aimons vraiment les illustrations qui nous parlent. Nos marques ne montrent pas seulement de belles photos léchées de mannequins, mais de toutes sortes de femmes (nos clientes). Nous fabriquons réellement une mode plaisante pour toutes, quelles que soient leur taille et leurs formes. Et nous restons fidèles à notre message écologique.

Que conseilleriez-vous à la version plus jeune de vous-même et pourquoi?

Je vais bientôt avoir quarante ans et n’ai encore jamais voyagé seule. Je conseillerais cette expérience à mon jeune alter ego, mais j’aimerais vraiment la vivre moi-même. Simplement pour voir comment je fonctionne sans personne autour de moi. J’adapte assez souvent mon comportement à mon entourage. P. ex., si le groupe est trop sérieux, je raconte une blague pour détendre l’atmosphère. Je trouve intéressant de découvrir notre propre identité quand nous sommes seul·e·s. À quoi allons-nous penser ? À quoi allons-nous réfléchir, vers quoi allons-nous tourner notre esprit ? Je côtoie sans cesse d’autres personnes ; mon train de pensées est donc toujours lié au leur. Ce serait chouette de voir à quoi je penserais dans d’autres circonstances.

En plus, je trouve que je ne suis pas encore arrivée au point de donner des conseils. Je commets toujours des erreurs ; j’ai toujours le sentiment que tout ne tient qu’à un fil et peut encore partir en vrille. Peut-être est-ce un bon conseil : « Ne pas avoir peur », « Ce n’est pas si grave d’échouer. » Tout est un flux et un esprit humain est aussi sans cesse en mouvement. P. ex., si quelque chose paraît insurmontable ou dépasse votre entendement, si la situation ne change pas, c’est votre esprit qui s’adapte. L’esprit humain m’impressionne énormément. C’est incroyable ce qu’une personne peut supporter sans devenir complètement folle.